Ferro-Lyon

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Le retour du tram

Publié le 05-10-2008 à 22h33 (mis à jour le 21-04-2013 à 19h31.)

Au soir du 29 janvier 1956, la dernière ligne de tramway urbain, la numéro 4 de Perrache au Parc de la Tête d’Or, cesse définitivement ses circulations. Le 1er juillet 1957, c’est au tour de la ligne suburbaine de Lyon-Pêcherie à Neuville-sur-Saône (dite « Le Train Bleu ») de succomber. Enfin, au printemps 1958, les rames encore en état assurent pour la dernière fois des navettes internes à la foire. À cette période, et pendant plusieurs décennies, personne à Lyon n’imagine qu’un jour le tramway circulera à nouveau un jour dans les rues de l’agglomération.

Les premiers prémices sur l’éventualité de la réapparition du tramway à Lyon datent de la fin des années 1970, dans la ligné du rapport demandé par le secrétaire d’État aux transports Marcel Cavaillé sur la possibilité de créer un réseau de tramway dans 8 grandes villes de France. En effet, l’État, qui subventionne la construction du métro lyonnais trouve que ces travaux lui coûtent cher, alors que la ligne D reste à construire. Aussi, dans le cadre des études autour de cette ligne, l’État demande aux ingénieurs de la SEMALY de réfléchir à la réaliser sous forme de pré-métro, enterré au centre de Lyon, et en surface en périphérie. Les instances politiques locales s’opposent frontalement à cette hypothèse, qui est rapidement enterrée.

Dans les années 1970 et 1980, le métro, soutenu par les instances politiques locales creuse tranquillement son trou, malgré son coût. C’est cependant ce dernier point, ainsi que les choix techniques hasardeux et coûteux qui vont amener un changement de stratégie de l’exécutif local. Ce changement est symbolisé aux élections municipales du printemps 1989, la ville de Lyon (et par voie de conséquence la CoUrLy et le SyTRAL) bascule de l’UDF au RPR. L’ancien maire, héritier de Louis Pradel, Francisque Collomb cède la place à Michel Noir. Alors que le choix fait par les précédents dirigeants du SyTRAL d’équiper la ligne D du métro encore en travaux d’un système de pilotage automatique intégrale est désormais irréversible, il s’avère que c’est un désastre économique. Les tiraillements entre les deux entreprises adjudicataires du marché, Matra et Alsthom, contribuent à des dépassements de budget très conséquents, au point d’obérer significativement les capacités d’investissement futures du SyTRAL.

Cependant, le nouvel homme fort de Lyon souhaite proposer un programme de développement ambitieux. Ainsi, en septembre 1990, il présente son « plan à moyen terme » pour les transports en commun. Celui-ci comprend, outre des prolongements de lignes de métro, et la création de lignes de bus en site propre, un réseau de tramway. C’est la première fois depuis des décennies qu’un projet de ce type est porté ouvertement en direction de la population par des hommes politiques dans l’agglomération. Ce projet de réseau, de par sa forme, reçoit le nom d’hippocampe. La ligne partait de la Cité Internationale (en projet à l’époque), passait par La Doua, les Charpennes, la Part-Dieu, la future station Garibaldi du métro D, pour se scinder d’une part vers la gare de Vénissieux par le boulevard des Etats-Unis et d’autre part vers la future station Debourg de la ligne B du métro par les rues Paul Cazeneuve et Challemel-Lacour. Une branche complémentaire partant de la gare de Vénissieux pour en desservir le centre-ville, puis rejoindre la gare de Saint-Fons et remonter vers le nord par la route de Vienne (RN 7) jusqu’à la branche allant vers Debourg. Ce plan est cependant abandonné dès l’année suivante. Seul deux prolongements des lignes B (de Jean Macé à Stade de Gerland) et D (de Gorge de Loup à Vaise) du métro qui y figuraient seront réalisés rapidement. Ce dernier, engagé en premier, se solde par un surcoût de réalisation de 28%, et un retard de 2 ans sur la réalisation.

Plan à moyen terme présenté en 1990 par Michel Noir (doc. Vie du Rail)

En 1995, l’UDF reconquiert l’exécutif local. Michel Noir cède la place à Raymond Barre. Les dernières extensions des lignes B et D du métro en cours de réalisation ont considérablement affaibli les capacités financières du SyTRAL. Or les besoins sont criants en particulier pour la desserte des sites universitaires de La Doua et Porte-des-Alpes. À cette même époque la loi renforce les outils de planification urbaine, et impose aux agglomérations de plus de 100 000 habitants de se doter d’un Plan de Déplacements Urbains (PDU). L’élaboration de ce document, de 1995 à 1997, en concertation avec la population montre clairement que celle-ci est prête à accepter des contraintes sur l’usage de l’automobile. Le PDU planifie donc la réalisation de 11 axes « forts » de transports en commun.

Les lignes fortes du PDU de 1997 :

  • A1 Saint Genis - Perrache ;
  • A2 Francheville - Perrache ;
  • A3 Vaise - Vaulx-en-Velin ;
  • A4 La Duchère - Vénissieux par la Part-dieu et le tunnel de la Croix-Rousse ;
  • A5 Caluire/Rilleux - Part-Dieu ;
  • A6 La Doua - Perrache ;
  • A7 Gerland - La Doua en rocade par Villeurbanne ;
  • A8 Gerland - Vaulx-en-Velin en rocade par Bron ;
  • A9 Meyzieu - Perrache ;
  • A10 Oullins - Gerland ;
  • A11 St Priest - Perrache par le campus de Bron.

Représentation des lignes prévues au PDU de 1997 (doc. Agence d’Urbanisme)

Ceux-ci devant à terme être équipés soit de tramway, soit de trolleybus, si possible en site propre. Le SyTRAL a aussi étudié les alternatives que semblaient représenter à l’époque le TVR fabriqué par Bombardier et le Translohr. Cependant, les incertitudes autour de ces nouveaux systèmes qui n’existaient au mieux qu’à l’état de prototype ont rebuté le SyTRAL lequel venait de faire une expérience douloureuse d’innovation avec le pilotage automatique MAGGALY. Le choix du tramway sur fer pour certaines lignes est formellement validé par le comité syndical du SyTRAL le 13 juin 1997. Bien que le PDU ait été approuvé le 14 octobre 1997, les études préalables à la réalisation des deux lignes entre Perrache et La Doua (axe A6) d’une part et Perrache et Saint-Priest (axe A11) sont en fait déjà lancées depuis plus d’un an. Leurs itinéraires ont d’ailleurs été fixés dès le 3 juillet 1997 par le comité syndical du SyTRAL. Les études se poursuivent alors à marche forcée. Le 25 novembre 1997, le comité syndical du SyTRAL décide de prolonger la ligne entre La Doua et Perrache jusqu’à la rue Montrochet. L’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique des deux lignes se déroule du 15 janvier au 17 février 1998.

Même si les opposants s’étaient déjà fortement manifestés, le tramway va alors traverser une période particulièrement chahutée. En effet, le 19 mars 1998, le comité syndical décide de retenir Alsthom et son tramway Citadis pour équiper le réseau. Parmi les entreprises en concurrence se trouvaient Fiat, AD-Tranz, Matra, Siemens et ANF-Bombardier. Or cette dernière entreprise, alors en conflit avec Alsthom décide de déposer un recours auprès du tribunal administratif de Lyon, le 6 avril. Ce recours sera finalement rejeté par le tribunal dès le 26 avril, et l’affaire en restera là de ce côté. Le surlendemain, 28 avril, la commission d’enquête remet son rapport. Il est globalement favorable à quatre réserves près, dont trois concernant la ligne de Montrochet à La Doua (passage par le Tonkin plutôt que la place Wilson, parking relais à créer au terminus de La Doua, et déplacer la station quai Claude Bernard devant l’hôpital Saint-Luc-Saint-Joseph) et une la ligne de Perrache à Saint-Priest (créer une station pour remplacer l’arrêt de bus Iris qui disparaîtra). Afin d’éviter d’allonger les délais, car à l’époque pour passer outre cet avis, il aurait fallu une décision du Conseil d’État, le comité syndical du SyTRAL accepte les réserves le 12 juin 1998. Le préfet signe donc l’arrêté n°98-3425 déclarant d’utilité publique les acquisitions et les travaux destinés à la construction des deux premières lignes de tramway à entreprendre par le SyTRAL sur le territoire des communes de Lyon, Bron, Saint-Priest et Villeurbanne le 17 septembre suivant. Cet arrêté est attaqué sans délai par deux associations et trois particuliers. Ces recours seront rejetés successivement par tous les échelons de juridiction administrative en 1999 et 2000.

Dans le même temps, les opérations concrètes commencent. Dès le mois d’octobre 1998, les travaux débutent. Certaines déviations de réseaux avait déjà été entamées avant, mais là ce sont les chantiers majeurs qui permettront d’installer l’infrastructure du tramway. notamment les démolition-reconstruction de divers ouvrages (Trémie Vivier-Merle à la Part-Dieu, ouvrage d’approche du pont Galliéni en rive droite du Rhône, reconstruction du pont de l’avenue Berthelot sur les voies ferrées de la ligne de Lyon à Genève…) et le décaissement des voiries pour installer la plate-forme. Les premiers rails sont soudés sur l’avenue Thiers le 7 avril 1999.

Du 18 au 29 mars 1999, une maquette du futur tramway est exposée à la Foire de Lyon. En parallèle, les travaux vont très vite car le pouvoir politique souhaite impérativement ouvrir les lignes avant les élections municipales du printemps 2001. Ainsi, faute de temps, les travaux entre la Porte-des-Alpes et le centre de Saint-Priest, ainsi que entre la gare de Perrache et Montrochet ont été différés. Ce sont tout de même 18,7 kilomètres de lignes et un centre d’entretien qui seront réalisés avant juin 2000.

Ouvert en mars 2000, le centre d’entretien de Saint-Priest reçoit la première rame le 6 avril suivant. Ils sont tous deux inaugurés le 13 avril. Alors que les voies ne sont pas encore toutes posées, Les essais peuvent commencer. La première sortie de la rame en direction de Bron a lieu le 23 mai 2000. En juin, les infrastructures sont achevées sur les deux lignes, à l’exception d’un tronçon sous le centre d’échange de Perrache, pour des questions de hauteur de ligne aérienne de contact. Une première rame circule à vitesse réduite du centre de maintenance au pont Galliéni le 11 juillet 2000. Le lendemain, une rame se rend jusqu’au terminus de La Doua. Le 13 juillet, une rame est présentée officiellement au public devant le centre commercial de la Part-Dieu. La validation des installations fixes, et les essais d’homologation de ce nouveau matériel à plancher bas intégral (parcours à vide de 15 000 kilomètres, tests en charge normale et exceptionnelle, freinage…) peuvent se dérouler. Dans le même temps est réalisée la formation des conducteurs. Le 7 septembre la station de Perrache est enfin accessible aux tramways. La marche à blanc commence le 30 novembre 2000. Les deux premières lignes du nouveau réseau de tramway de l’agglomération de Lyon sont inaugurées le 18 décembre 2000 en présence du ministre des transports Jean-Claude Gayssot. Leur ouverture au public a eu lieu le 2 janvier 2001, après deux week-end de portes ouvertes pendant les fêtes de fin d’année, pendant lesquelles le public a notamment pu découvrir le dépôt-atelier.

C’est ainsi que 44 ans, 11 mois et 4 jours après la circulation du dernier tram sur l’ancien réseau urbain de Lyon, le tramway moderne rentre dans la vie des habitants de l’agglomération le 2 janvier 2001.